Auteur : Aroon Aryan

Traduit du persan

Atiq Rahimi s’est taillé une place dans le monde de la fiction contemporaine ces dernières années. Lauréat du prix Goncourt, ses romans ont été traduits dans plusieurs langues et il est aujourd’hui largement reconnu.

Cependant, une question reste en suspens : à quelle géographie littéraire doit-on le rattacher ? Bien qu’il écrive parfois dans une langue étrangère, il affirme toujours voir et raconter à travers le prisme de l’Afghanistan. Ses récits, bien qu’écrits en français, prennent racine dans cette société, et son regard est profondément ancré dans cette réalité. Ce choix d’écriture en français a suscité débat, au point que certains refusent de le considérer comme un écrivain afghan.
Il n’est jamais aisé de lire un ouvrage d’un auteur partageant votre langue maternelle, dont la version que vous tenez entre les mains est traduite à partir d’une autre langue – surtout lorsque cette traduction souffre d’imperfections et ne correspond pas à l’image que vous vous faisiez du texte original.

Tout lecteur impliqué dans la création littéraire analyse naturellement les éléments constitutifs d’un récit : le point de vue du narrateur, le mode de narration, l’introduction des personnages, le traitement du sujet, la cohésion de l’ensemble, ainsi que les rapports spatio-temporels, le réalisme de la fiction, le lieu et la langue du récit.

Ce sont justement la langue et le lieu du récit qui m’ont poussé à écrire ces lignes.

Pour décrire un lieu, il faut une langue capable de le faire vivre à travers dialogues, descriptions et indices. Cette langue participe à la construction mentale du cadre et des événements. Malheureusement, Maudit soit Dostoïevski nous éloigne de cette authenticité par une traduction inadéquate, qui remplace le parler de Kaboul par un persan standard iranien. Cette dissonance, conséquence directe de la traduction, nuit profondément au roman. Dès les premières pages, le lecteur perçoit ce malaise. Il ne s’agit pas ici simplement de différences linguistiques entre l’Iran et l’Afghanistan — sujet déjà complexe —, mais d’une altération du style narratif, des expressions idiomatiques spécifiques à un espace culturel, expressions dont la beauté réside dans leur tonalité locale et dans leur ancrage géographique.

La traduction est signée Mehdi Ghabraei, traducteur reconnu ayant travaillé sur des œuvres de Haruki Murakami, Romain Gary, Faulkner, José Saramago et d’autres auteurs de renom. Il a aussi traduit Les cerfs-volants de Kaboul de Khaled Hosseini, ce qui démontre une certaine familiarité avec l’univers afghan. Pourtant, il avait déjà suscité la controverse en retraduisant en persan iranien Mille maisons de rêve et de terreur d’Atiq Rahimi, œuvre d’abord écrite en persan d’Afghanistan puis traduite en anglais. Une entreprise jugée par certains comme inutile.

Traduire, c’est recréer. C’est faire revivre une œuvre dans une autre langue. On n’attendait pas de Ghabraei qu’il utilise le dialecte kabouli, mais il aurait pu respecter certains noms de lieux ou termes spécifiques pour préserver la couleur locale du récit. Malheureusement, cela fait défaut ici. Le roman, bien qu’il se déroule à Kaboul, est présenté dans un persan iranien standard. Cela crée un décalage : le cadre reste kabouli, mais la langue en trahit les contours, hésitant entre un iranien sans ancrage et un kabouli inachevé.

Ma première confrontation avec une erreur de traduction fut une citation poétique sur la page précédant le récit. Atiq Rahimi y cite un vers du poème Zamin de Hafiz Arash Adish. Or, le traducteur transforme erronément le nom du poète en « Hafez Azish ». C’est à ce moment que j’ai commencé à relever d’autres erreurs du même genre, révélatrices du manque de connaissance du traducteur sur Kaboul et son univers linguistique.

Ainsi, les montagnes Asmai deviennent « monts Asmaï » (Asse-Mâï aurait été plus juste1), le col de Salang est mal transcrit en « Langwat », l’université de Kaboul, communément appelée en pachto Pohantoon-e-Kabul, devient une forme imprécise (Pohanton), Ghazi est mal traduit par « Qazi » (juge), Amir Salam devient « Aamer Salam », et dans une scène, Sofia déclare : « On m’a chassée du maqbara », ce qui signifie « On m’a expulsée du sanctuaire », non pas d’un cimetière comme le mot maqbara pourrait le suggérer5.
Le nom du célèbre quartier Shah-e-Du-Shamshira6 est mal transcrit, et l’école Lis-e Ibn-e Qays devient Le lycée Ibn Ghis.

Une traduction fidèle de ces éléments, outre tout ce qui précède, aurait permis d’enrichir la langue du roman et d’en préserver l’intégrité.

Atiq Rahimi, tout comme moi, est né dans cette même géographie, nourri de cette même terre, et sa langue originelle est aussi la mienne. Le fait qu’il s’exprime aujourd’hui plus librement dans une autre langue est un choix personnel ; nul ne peut imposer à un écrivain la langue dans laquelle il doit écrire. Chacun écrit dans la langue qui lui permet de penser avec plus de clarté, dans celle qui l’approche davantage de son objectif. Ce choix ne saurait être critiqué.

Cependant, au cœur d’un récit aussi vaste, j’aurais souhaité, par exemple, qu’au lieu de « Lâche l’affaire, papa », il y ait eu une réplique que je puisse lire avec une tournure propre à Kaboul, une expression familière, pleine de couleur locale. Ou encore, à la place de :
« Ça va, cousin ?… Merci, mon frère… Que Dieu te le rende… Hé, Rasoul ! Tu crois pouvoir t’enfuir encore longtemps ? »,
et tant d’autres exemples similaires, j’aurais aimé lire les équivalents kaboulis. Ces dialogues ne sont pas de Kaboul. Les personnages sont censés s’y trouver, mais leurs mots semblent venir de Téhéran. Et dans cela, on ne retrouve ni la narration, ni la langue fluide de Terre et Cendres, ni celle de Mille maisons en rêve d’étouffement, ni même celle de Syngué Sabour. Ayant lu Rahimi dans sa propre langue, je connais sa voix — et lorsque cette voix parle du peuple de cette terre, même dans l’injure, elle reste belle parce qu’elle m’est familière.

Le roman Malédiction à Dostoïevski est, à mes yeux, l’œuvre la plus singulière d’Atiq Rahimi à ce jour. En termes de contenu, de structure et de narration, elle est plus puissante. Car Rahimi parvient ici à convoquer Dostoïevski et à faire venir à Kaboul l’un de ses plus grands romans ainsi qu’un de ses personnages les plus célèbres.

Le roman débute là où s’est façonné Raskolnikov, figure emblématique de la littérature russe. Ce dernier, devenu au fil du temps un véritable archétype, prend chair à Kaboul sous les traits du personnage principal du roman de Rahimi : Rasoul.

Lorsque Rasoul saisit la hache pour tuer « Naneh Alieh »3, l’étincelle du roman s’allume dans son esprit. Il se voit alors subitement comme Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment, et dès ce moment, jusqu’à la fin du roman, il vit cette identité, tout en poursuivant parallèlement son propre récit. La pensée de Rasoul est constamment traversée par les mêmes dilemmes moraux que ceux de Raskolnikov. Tous deux portent un même fardeau, à deux époques différentes. Mais ce qui les distingue, c’est la narration propre à Atiq Rahimi, qui accompagne Rasoul — comme une musique de fond, avec Kaboul pour décor, ses tirs, ses explosions successives et l’odeur du haschisch.

Et pourtant, ce que fait Rasoul donne au roman une dimension allégorique. Une allégorie dont le scénario original se déroule à Saint-Pétersbourg, mais qui est ici rejouée à Kaboul, dont la scène est toute la ville — une ville ravagée par la guerre — et où Rasoul est désormais le nouveau Raskolnikov.

Quand je dis que le roman devient allégorique, c’est parce que tous les personnages du roman de Dostoïevski renaissent ici à Kaboul avec des traits similaires. C’est comme un retour forcé dans le monde des vivants, au cœur d’un autre récit. Voici quelques exemples de ces correspondances :

  • Raskolnikov → Rasoul
  • Aliona Ivanovna → Naneh Alieh¹
  • Sofia Semionovna (Sonia) → Sofia
  • Dounia (sœur de Raskolnikov) → Donya (sœur de Rasoul)
  • Razoumikhine → Razmoddin
  • Porphyre Petrovitch → Parviz

Ces ressemblances ne sont nullement fortuites. Par elles, Rahimi transpose l’univers de Crime et Châtiment dans le présent. Et il réussit admirablement.

Rasoul et Raskolnikov deviennent alors des symboles : ceux d’êtres dont la conscience les convoque à un tribunal intérieur, entre culpabilité et justification morale. Ils souhaitent être jugés, même s’ils doutent de la faute. Tous deux savent que leur crime est né de la contrainte, que la victime était davantage une nuisance qu’un être humain digne de ce nom. Ils savent que ces femmes — Aliona Ivanovna et Naneh Alieh — sont des sangsues qui sucent la vie des autres. Naneh Alieh retient en otage l’or de la mère de Sofia, abuse des jeunes filles vulnérables et les livre à d’autres hommes. Ce contexte justifie presque, dans l’esprit de Rasoul, la transgression ultime — celle d’ôter la vie non à une personne, mais à une « vermine nuisible ».

Dans Malédiction à Dostoïevski, Rahimi ne se contente pas de transplanter ces personnages à Kaboul ; il les fait s’y fondre. Raskolnikov le Russe devient tout aussi bien Rasoul l’Afghan. Il est désormais autant l’un que l’autre.

Crime et Châtiment demeure sans conteste l’un des chefs-d’œuvre de Dostoïevski. Ce roman et son personnage principal, symboles d’un monde façonné par Dieu et la conscience humaine, ont défini un univers unique — un monde où la conscience est le tribunal suprême, et l’homme, le seul véritable témoin et juge de ses actes. L’œuvre figure parmi les cinq romans majeurs de l’auteur russe. Elle jette les bases d’une pensée nouvelle, influençant durablement la morale et les comportements sociaux de la Russie de son temps.

Mais ce que fait Rahimi à Kaboul, au-delà de revisiter la question de la culpabilité morale à travers le personnage de Rasoul, est d’entrelacer cette problématique avec d’autres réalités.

Le récit, centré sur le monologue intérieur de Rasoul, réactive les événements de Crime et Châtiment, mais les transpose dans le contexte brûlant de Kaboul. Rahimi, de son côté, tente d’entrer dans l’intimité de tous les habitants de cette ville blessée, pour mieux les raconter.

À propos du roman « Malédiction à Dostoïevski » d’Atiq Rahimi

C’est l’histoire d’êtres humains contraints, pour qui il ne reste d’autre chose à accepter que la mort, et rien d’autre à perdre que la vie. Pour beaucoup de gens, le besoin essentiel de ce temps se résume à un morceau de pain et une béquille pour avancer.

L’honneur, le service, le patriotisme… ont perdu leur valeur. Rahimi montre comment la guerre arrache même la « dignité » aux hommes et les pousse vers les lieux les plus infâmes qu’ils avaient passé leur vie à fuir. Il montre comment la guerre oblige les individus à tout tenter, à tout faire. Elle rend l’acte de tuer banal. La mort de cette vieille femme ignoble, qui tourmente tant Rasoul, s’ajoute aux innombrables assassinats que l’auteur expose — et pourtant, si la conscience est le véritable tribunal, ce seul meurtre, même s’il semble en apparence justifiable, peut s’avérer écrasant. Mais la guerre est sourde à ces considérations : à Kaboul, pendant que Rasoul cherche sa rédemption pour avoir tué une femme dont la vie ou la mort semblait sans importance, des dizaines d’autres meurent à chaque instant, sous les balles, les roquettes ou les décombres — et d’autres dizaines errent à la recherche de disparus, sans doute déjà morts.

Rasoul, autrefois employé à la bibliothèque de l’université, en vient à tuer. C’est encore un effet de la guerre. Sofia, étudiante, issue d’une famille cultivée, est contrainte de servir une femme de mauvaise réputation, jusqu’à vendre son corps. C’est aussi ce que la guerre lui a imposé. Et ainsi, la plupart des personnages du roman ont perdu leur honneur, et jusqu’à leur humanité.

Un autre aspect marquant de ce roman est ce que l’on pourrait appeler le « nihilisme » russe — mais dans une forme que nous avons connue nous aussi, sans jamais la nommer : chaos, dérèglement moral, effondrement, meurtres, indifférence, fuite de soi, repli dans l’ombre, dérision de la vie, absence de peur face à la mort… autant de réalités que ce roman donne à vivre à Kaboul, où elles prennent racine dans le quotidien. Séparer ces phénomènes du « nihilisme » fondamental qui traverse Crime et Châtiment est impossible — et c’est là l’un des mérites du roman Malédiction à Dostoïevski d’Atiq Rahimi : il fait circuler cette philosophie dans chaque mot, dans chaque personnage kabouli.

Au-delà des défauts que la traduction peut avoir infligés au roman, certains passages laissent le lecteur penser que Rahimi lui-même n’a pas toujours réussi à rendre l’ensemble tout à fait cohérent ou convaincant. L’un de ces passages est celui des dialogues entre le commandant Parviz et Rasoul : tous deux, au milieu de la guerre et de leurs récits respectifs, apparaissent soudain comme des philosophes. Certes, Rasoul est un grand lecteur, familier de Dostoïevski. Mais le commandant Parviz, dont aucune indication ne laisse présager une telle érudition, commence tout à coup à raisonner Rasoul, dans un style digne des philosophes — ce qui, pour le lecteur, reste difficile à accepter. Les phrases qu’il prononce sont d’un niveau bien plus élevé que ce que l’on pourrait attendre de lui — et rappellent parfois la manière dont Dostoïevski donnait voix à ses personnages dans ses romans.

Parviz, dans le rôle du « Porphyre Petrovitch » — l’inspecteur en charge de l’enquête sur le meurtre d’Alyona Ivanovna dans Crime et Châtiment — ne parvient toutefois pas ici à incarner pleinement ce que Dostoïevski avait su construire avec profondeur lors de la tentative de persuasion de Rassoul.

Des pages 199 à 202 du roman, la discussion tourne autour du crime commis par Rassoul. Pourtant, tout ce qui aurait pu être dit en des phrases simples et percutantes est exprimé en des tentatives de philosophie pseudo-dostoïevskienne qui n’atteignent pas leur but. Chaque phrase a sa fonction et sa place propre. Il ne faut pas oublier que, derrière Crime et Châtiment, se tient Dostoïevski — considéré même par les plus grands penseurs comme un phénomène rare — et que son cadre narratif, au-delà de Saint-Pétersbourg, s’enracine dans un univers bien à lui. Ainsi, les propos de Porphyre sont empreints d’une légitimité et d’une portée naturelles, car ils sont soutenus par l’immensité d’un auteur tel que Dostoïevski. Dans le cas du roman d’Atiq Rahimi, l’auteur aurait pu, en simplifiant ce passage et en l’adaptant à Kaboul, rendre cette séquence plus convaincante, comme il a su le faire dans d’autres parties de son œuvre.

Il faut noter que de nombreux éléments du roman prennent une forme allégorique. Le sommet de cette allégorie apparaît lorsque Rassoul se rend au bâtiment du gouvernorat pour se livrer au juge, mais se retrouve face à un vieux secrétaire qui dresse la liste des personnes disparues dans la guerre. Ce moment s’apparente à une petite scène de théâtre sombre et confinée, et les dialogues eux-mêmes prennent un caractère théâtral. Cela ne suffit pourtant pas à faire accepter facilement que la tentative de persuasion du commandant Parviz, suivie de son suicide en raison de l’injustice subie, soit un simple extrait inspiré de Crime et Châtiment.

Lorsque le roman de Dostoïevski se termine et que Raskolnikov est exilé, des questions essentielles persistent : Était-il réellement criminel ? Avait-il commis un crime ? Méritait-il la prison ? Et bien d’autres encore. Car même lui, dans Crime et Châtiment, dit à sa sœur Dunia :

« Un crime ? Quel crime ? J’ai tué un pou parasite, nuisible et dégoûtant, une vieille usurière qui n’était utile à personne et dont l’élimination aurait effacé bien des péchés. Elle rendait la vie des miséreux infernale — et tu appelles cela un crime ? »

Et ailleurs, il confie à Sonia :

« J’ai voulu tuer sans raison logique ou morale. Tuer pour moi. Uniquement pour moi. Je n’ai pas tué pour aider ma mère. Je n’ai pas commis ce meurtre pour faire le bien une fois en possession de richesses ou de pouvoir. Non, tout cela est faux. J’ai tué ainsi, pour moi-même. »

Mais Rassoul, quant à lui, dit à Sonia qu’il a tué Naneh Alieh, et qu’il ne l’a fait que pour elle. Cette distinction révèle les deux conceptions fondamentales portées par ces deux personnages. Dostoïevski visait à refonder toute une pensée philosophique et renverser les principes de la morale. Atiq Rahimi, lui, ne s’attarde pas sur ces problématiques. Il traite de l’amour, du mysticisme et de la guerre. C’est pourquoi Rassoul, personnage brisé de Kaboul, tue uniquement pour Sonia.

Malgré toutes ces différences, à l’approche des dernières pages du roman, une question similaire surgit à propos de Rassoul : dans une ville où le crime est quotidien, où la guerre fait des dizaines de morts chaque jour, Rassoul est-il réellement un criminel ?

Le commandant Parviz met tout en œuvre pour sauver Rassoul. Il cherche à lui faire comprendre qu’il n’a pas commis de crime, qu’il a sauvé sa fiancée, qu’il a tué pour l’honneur, et peut-être même qu’aucun meurtre n’a eu lieu : le corps de Naneh Alieh disparaît mystérieusement et aucune preuve de meurtre n’est retrouvée. Même si un homicide a été commis, il aurait alors éliminé un être nuisible, rendant ainsi service à l’humanité. Pourtant, malgré tout cela, la question du crime de Rassoul, à la fin du roman, ne m’a pas offert la conclusion que j’en attendais. Les événements s’enchaînent trop rapidement, trop brusquement, et ce n’est qu’au dernier moment que l’auteur tente de rattraper cela par ses ultimes lignes. Il affirme vouloir clore son histoire, et pour cela, il s’affranchit soudainement de l’emprise de Dostoïevski.

Dans Crime et Châtiment, alors que Raskolnikov attend la fin de ses sept années de détention, et médite sur le prix de cette vie, Dostoïevski conclut par ce qui devient le commencement d’un autre récit :

« Cela pourrait être le sujet d’une nouvelle histoire ; notre histoire actuelle est terminée. »

Mais dans Malédiction à Dostoïevski, la fin du roman marque en réalité un nouveau commencement. Rassoul lit le récit des événements à l’ancien secrétaire du tribunal, celui qui consignait les noms des disparus, et le roman se clôt par une question posée par ce même secrétaire. La fin que lit Rassoul est en fait le lieu même où le roman débute : le moment où il saisit la hache pour tuer Naneh Alieh, lorsque l’idée du crime et du châtiment surgit dans son esprit. Il répète alors l’histoire de Raskolnikov, des années plus tard, dans un autre lieu. Mais cette fois-ci, tout se termine par une question posée par le secrétaire :

« Pourquoi n’as-tu pas pris l’argent ? »

Et cette question marque la fin du récit… tout en ranimant la boucle du doute :
Rassoul était-il vraiment un criminel ?

Note de bas de page :

  1. Asmai, ou « Asse-Mâï », est le nom d’une chaîne de collines à Kaboul, bien connue des habitants.
  2. Maqbara en contexte afghan peut désigner un lieu saint ou un mausolée, plutôt qu’un simple cimetière.
  3.  Naneh Alieh : terme persan signifiant littéralement « Maman Alieh » — appellation affectueuse, souvent utilisée pour désigner une femme âgée.

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